Inédits

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Rapport de mission

Rapport de mission




La mission que j'ai effectuée au Vietnam du 21 novembre 96 au 3 février 97 a pour objet d'étudier L'évolution des cultes villageois au Vietnam dans leurs rapports avec le pouvoir. Il s'agit plutôt d'une exploration, afin d'avoir une vue d'ensemble sur la question, que d'une recherche approfondie qui nécessiterait de longs séjours dans chaque localité. C'est pourquoi la démarche permettant de voir le maximum de villages des provinces qui entourent Hanoi a été retenue : Hà Tây, Hà Bắc (devenu depuis le 1er janvier 97 Bắc Ninh et Bắc Giang suite à une scission), Vĩnh Phú (devenu Phú Thọ et Vĩnh Yên après la scission), Hưng Yên (nouvelle province après la scission de Hải Hưng), Thái Bình, Nam Hà.

Le Musée d'Ethnologie dont le directeur est Nguyễn Văn Huy, ethnologue de formation, a été sollicité pour être l'institution d'accueil. Ce musée est né récemment d'une scission de l'Institut d'Ethnologie, et fait partie comme d'autres instituts de recherches du Centre national des Sciences sociales et humaines (Trung tâm Khoa học xã hội và nhân văn quốc gia), lequel ne dépend pas du ministère de l'Education nationale et de la Formation, mais directement du premier ministre au même titre que les deux universités nationales, l'une à Hanoi et l'autre à Hô Chi Minh-Ville. La construction de ce musée entre dans le cadre de l'agrandissement vers l'ouest de la ville de Hanoi, dont le centre ne sera plus le Petit Lac mais le Grand Lac. Pour réaliser ce projet (infrastructures, terrains, bâtiments, équipements...) l'Etat vietnamien a investi 100 milliards de đồng, soit 50 millions de francs, un budget considérable pour ce pays. D'ici la fin de l'année, le Musée d'Ethnologie, implanté dans la commune de Dịch Vong du district de Từ Liêm, se trouvera au carrefour de deux axes routiers dont l'un mènera à l'aéroport de Nội Bài. La fin des travaux est prévue pour l'ouverture du Sommet de la Francophonie à Hanoi en novembre 1997, et à cette occasion le président Jacques Chirac viendra inaugurer les chrysanthèmes. Il faut dire aussi que ce musée bénéficie d'une aide et d'une collaboration du Musée de l'Homme qui envoie du personnel pour des missions de conseil et de mise en place. Récemment vient d'être acquis un char cham d'une grande beauté sans doute le dernier qui subsiste.

Sur le plan pratique, l'institution d'accueil s'occupe des formalités administratives (demande de visa, d'autorisation d'enquêtes dans les localités prévues...), favorise les contacts et fournit un accompagnateur. Les frais demandés demeurent raisonnables : 150 à 200 dollars pour toutes les formalités et 10 dollars par jour de déplacement de l'accompagnateur (qui n'en touche qu'un pourcentage). Les frais de transport restent à la charge de l'enquêteur (200 à 350 mille đồng par jour selon l'état de la voiture et la distance parcourue).

En règle générale, avant d'arriver à la localité désirée, l'accompagnateur doit être muni de la lettre de présentation du district, voire de celle de la province dont elle dépend, sous peine de refus. Mais dans la pratique cela dépend des localités, des hommes et des contacts noués auparavant. Concrètement, on s'adresse d'abord aux autorités locales, et le plus souvent, selon les circonstances, ou bien c'est le secrétaire du parti à l'échelon communal (bí thư chi bộ), ou bien c'est le président du comité populaire de la commune (chủ tịch ủy ban nhân dân xã) qui nous reçoit, puis nous confie à l'un de ses collaborateurs (chargé de la culture dans notre cas) pour nous conduire chez les personnes susceptibles de nous être utiles. En règle générale aussi, on est invité à déjeuner par les autorités. Si l'on passe la nuit chez l'habitant, les autorités lui demandent de prendre en charge le repas du soir et l'hébergement, puis elles règleront ses frais par voie administrative. Libre à nous de le dédommager ou non. Mais il est de coutume de le faire.

Quant à l'enquête proprement dite, les informations recueillies dépendent de plusieurs facteurs : les connaissances de l'informateur, les enjeux du sujet de l'enquête et la présence des autorités. Par ailleurs, la patience est de mise pour l'enquêteur. La prise de contact (usages, politesse ...), certes formelle, permet par la même occasion aux autorités et aux informateurs de se faire une idée sur l'enquêteur et d'évaluer les enjeux. Quant aux cultes populaires, les villageois renouent actuellement avec la tradition pour les faire revivre. Cela se traduit par la rénovation des lieux de culte (maisons communales, temples, pagodes) ou par la reconstruction, non sans peine, de ces lieux. Il faut dire aussi que la rénovation ou la reconstruction de ces édifices sont souvent entièrement prises en charge par les villageois. Ce mouvement de retour aux traditions redonne vie et prospérité à certains villages spécialisés dans l'artisanat. Le village de Sơn Đông de la province de Hà Tây, par exemple, fournit aux pagodes et aux temples situés dans le delta du Fleuve rouge des statues de Bouddha et de génies. Les menuisiers retrouvent leur ardeur et le commerce d'objets en papier destinés aux morts redevient florissant.

Si ce renouveau cultuel fait apparaître une certaine convivialité dans la vie communautaire, il comporte aussi des aspects déplaisants et incontrôlés, notamment dans la commercialisation des cultes. Sur le site de la Pagode des Parfums, par exemple, on est en train de dynamiter des collines pour en faire des grottes, et y placer des statues de Bouddha et de génies dans le seul but de ramasser la mise des pèlerins. L'une des causes du désordre ambiant est la confusion des rôles dans la gestion de ce lieu hautement symbolique. L'attitude des autorités reste mitigée sur cette question, ce qui ne facilite pas les choses. L'absence de réflexion en profondeur et de décision saine sur la question des cultes, qui prend à l'heure actuelle une grande ampleur, risque de favoriser uniquement les marchands de bonheur.

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